Les ingrédients de nos cosmétiques sont-ils vraiment dangereux ?

Paraben, MIT, MCT, phenoxyethanol… Pointés du doigt par les applications et les sites évaluant l’impact des cosmétiques sur la santé et l’environnement telles que Yuka, INCI Beauty, Que Choisir ou QuelCosmetic, de nombreux ingrédients sont aujourd’hui controversés. Cependant, il n’est pas toujours facile de distinguer le réel danger des polémiques sans fondements. Est-ce qu’il faut vraiment avoir peur de ses cosmétiques ? Pas de panique ! On décrypte ici scientifiquement les principaux mythes et pourquoi on en est arrivé là ! Et on verra bien sûr les ingrédients qui sont à mon avis vraiment problématiques pour faire la part des choses.

Ne faites pas attention à l’image, ce sont juste des produits que j’adore utiliser 🙂

Le marketing de la peur : le marketing qui fait vendre

Avant de voir ensemble quels sont les vrais ingrédients problématiques (car oui, je ne vais pas vous le cacher il y en a, sur chokomag on est sur une démarche scientifique donc on ne vous cache rien, et on reste toujours factuels), je voudrais vous parler d’une tendance depuis quelques années dont il faut se méfier : le marketing de la peur.

C’est un mécanisme psychologique que les marques ont remarqué et certaines en profitent un maximum : si on vous dit « ohlala attention tel ingrédient est dangereux, mais ne vous inquiétez pas, nous on en n’utilise pas du tout », vous avez naturellement tendance à faire confiance et à acheter ledit produit.

Vous allez me dire que c’est bien pour votre santé ? Certes, ça part d’un bon sentiment, sauf que l’exploitation de ce mécanisme à des fins marketing ( = vous faire acheter des produits) peut aller vers des dérives. C’est ainsi que certaines marques continuent de taper sur des ingrédients qui ont été mis hors de cause par de multiples études, et dont parfois même les lanceurs d’alertes sont revenus sur leurs annonces en disant que leur étude initiale était biaisée. Sauf qu’une fois que la machine est enclenchée, certains continuent de « parier dessus » car ça fait vendre.

La dose fait le poison : une expression très vraie en cosmétique

Une expression importante à garder en tête est « la dose fait le poison ». En fait, il ne faut pas voir le mal partout, et apprendre à relativiser. Dans la nature, on a aussi du cyanure, des parabens ou de l’acide salicylique présents naturellement dans certaines plantes ou fruits et légumes. Pour autant, personne n’en parle car ils sont à des doses tellement faibles qu’avec une consommation normale ils ne sont pas dangereux.

Pour les cosmétiques et les formulations, c’est pareil. Par exemple, je ne comprends pas pourquoi on pointe autant du doigt le phenoxyethanol, alors que si on calcule la quantité utilisée dans les études l’incriminant, cela représente une consommation QUOTIDIENNE et sur plusieurs semaines de 47 pots de crème PAR JOUR ! (Merci à mon amie Marie de @cosmeticsanatomy sur instagram pour le calcul). Même moi grande fan de skincare je n’arriverais pas à vider 47 pots par jour même en l’appliquant sur toute la surface de ma peau.

Autre exemple du côté de la nature : il faut savoir aussi que les pépins de pomme contiennent naturellement du cyanure, c’est d’ailleurs ce qui leur donne ce petit goût amer quand on les croque. Pour autant, il faudrait probablement en croquer des milliers avant d’atteindre une dose de poison dangereuse pour l’Homme. A moins de vous faire des repas de pépins de pomme à vous en remplir l’estomac, on ne risque pas de s’en approcher… et du coup, personne ne crie au scandale parce qu’on continue de vendre des pommes ^^. On pourrait également parler du persil, ou tout simplement de l’eau qui peut provoquer des comas hydrauliques et la mort… mais à chaque fois, on est dans des cas de consommation complètement anormale.

Le soleil, le tabac, la malbouffe : une manière de détourner le regard ?

Enfin, autre point que je trouve méga important : on nous bassine avec des ingrédients « potentiellement supposés hypothétiquement mauvais pour notre santé », mais à côté de ça, on sait que certains éléments de notre quotidien sont REELLEMENT mauvais sur du long terme. Je parle bien sûr du soleil qui provoque des cancers de la peau (et le vrai danger est qu’un début de cancer de la peau non traité peut ensuite migrer dans le corps s’ils ne sont pas soigné à temps), du tabac (est-il encore nécessaire de parler de son danger ?), mais aussi de toute la nourriture ultra transformée (plats tout prêts, biscuits industriels, fast food…) qui pour certains constituent une grande part de leur alimentation.

Si on habite en ville ou dans un milieu pollué, on se prend aussi chaque jour des milliards de particules de pollution dans l’air que l’on respire… Il faut prendre conscience que les cosmétiques à l’échelle de ces sujets sont beaucoup moins problématiques. Si vous vous inquiétez réellement pour votre santé, il est important de se concentrer d’abord sur ces points qui ont tellement mais tellement plus d’impact !

Les cosmétiques bio : vraiment mieux que le conventionnel ?

Autre question souvent posée lorsqu’on s’intéresse aux compositions : est-ce que le bio c’est mieux ? Ne tournons pas autour du pot et allons directement à la réponse : ça dépend. C’est important de ne pas généraliser car il peut y avoir du très bon comme du moins bon.

Certes, les chartes bio ont pour but d’apporter plus de naturel dans les compositions et éviter les ingrédients issus de la pétrochimie qui sont parfois polluants à produire, mais en contre partie, certains produits bio vont être bourrés d’huiles essentielles et de parfums qui peuvent être irritants sur certaines peaux. Le bio n’est pas non plus garant d’un impact écologique moindre : si vous utilisez un extrait de plante qui a fait 3 fois le tour de la planète avant d’arriver dans le pot, ou si la plante en question consomme dix fois plus d’eau qu’une autre pour pousser, alors ce n’est plus très écolo.

L’important est donc de toujours garder un oeil critique, et de savoir ce qu’on consomme que ce soit bio, ou non bio.

Quels sont les ingrédients dits dangereux aujourd’hui et est-ce justifié ?

Le paraben présente-t-il un vrai danger comme perturbateur endocrinien ?

Utilisés en skincare comme conservateurs très efficaces pour inhiber le développement de bactéries dans les produits, les parabènes sont aujourd’hui très rares dans les cosmétiques suite à une étude de 2004 qui les accusait d’être responsables de tumeurs du sein. Depuis, cette étude a été démentie par son autrice mais la popularité des parabènes ne s’en est pas remise. 

Si vous n’êtes pas du monde scientifique, vous ne connaissez sûrement pas le processus de publication des études scientifiques. Je suis docteur en mathématiques et informatique, et j’ai été chercheur pendant 2ans dans le domaine de la santé. J’ai donc moi aussi participé à ce type d’études. Ce qui est important à savoir, c’est que n’importe quelle étude trouvée sur internet n’est pas forcément crédible. Pour qu’une étude soit valide, elle doit avoir été publiée dans une conférence ou un support de renom pour son domaine : cela voudra dire qu’elle a été relue (peer-review) par des spécialistes de son secteur, et donc la méthodologie scientifique et la pertinence des résultats sont validés. C’est pour cela qu’il est presque impossible pour quelqu’un de non-scientifique et non-expert de savoir s’il peut se fier à un papier trouvé sur Google Scholar ou Arxiv.org… Et parfois, même en étant validée, une étude peut être remise en cause si d’autres chercheurs n’arrivent pas à la reproduire, elle devient alors caduque et peut donc être invalidée des années après. C’est pourquoi on estime qu’il faut toujours plusieurs études scientifiques pour confirmer des observations : il peut y avoir des biais qu’on n’identifie pas sur le moment, et qui font qu’on n’arrive pas à reproduire les résultats.

Aujourd’hui, parmi les 6 parabènes utilisés en cosmétique, seuls 2 sont interdits en Europe (isobutylparabène et isopropylparabène), et pour le reste, les experts en europe et aux US estiment que les molécules issues de la famille des parabènes sont sûres d’utilisation dans les produits cosmétiques aux concentrations autorisées.

Certes, cette sonnette d’alarme a permis d’éliminer 2 parabens, mais le problème est que tout le monde a fait l’amalgame avec la totalité des molécules de cette famille, alors que c’étaient des conservateurs très bien tolérés et très stables. Presque toutes les marques n’osent plus utiliser les « bons parabens » en formulation même s’ils ont montré patte blanche dans les études scientifiques, et du coup on doit maintenant formuler avec d’autres conservateurs. Le problème est que les nouveaux conservateurs sont souvent plus irritants ou allergènes (cf MIT ou MCT plus bas…)

Alcool et alcool dénaturé

Utilisé en skincare comme conservateur, pour contrôler la texture du produit, stabiliser un ingrédient (comme la vitamine c) ou pour favoriser la pénétration de certains actifs (comme la caféine), l’alcool peut causer des irritations sur certaines peaux. Cependant, il doit être dosé en grande quantité pour cela.

Si vous avez la peau sensible, je vous recommande d’éviter les produits dont la composition contient de l’alcool dans la première moitié de la composition car assez concentré. Mais s’il est mentionné en fin de composition, vous pouvez y aller, vérifiez juste la manière dont votre peau réagit lors des premières utilisations.

Le Talc

Poudre minérale permettant d’épaissir les formulations, et d’absorber l’eau et le gras, le talc a subi une grande polémique aux Etats-Unis car accusé de provoquer des cancers. Or ce n’est pas le talc en lui-même qui était responsable, c’est en fait les impuretés qu’il contenait

En Europe, les réglementations sont très strictes sur la pureté du talc utilisé en cosmétique. Ainsi, il n’y a aucun risque lié à la présence du talc dans les produits cosmétiques en Europe.

Les sels d’aluminium

Les sels d’aluminium (Aluminium Chlorohydrate, Aluminium Zirconium Tetrachlorohydrex Gly, Aluminium Sesquichlorohydrate) sont utilisés dans les déodorants pour leur conférer des propriétés anti-transpirantes (ils rétrécissent temporairement les canaux qui acheminent la sueur à la surface de la peau). Bien qu’aucune étude n’ait pu prouver leur toxicité, ils sont régulièrement accusés d’augmenter les risques de cancer du sein. 

L’europe a donc conduit par 2 fois des études pour voir leur impact sur la santé, et par deux fois elle a confirmé qu’aux doses autorisées en europe, les sels d’aluminium ne présentaient aucun danger.

Les Nanoparticules

Repérables grâce à la mention [NANO], les ingrédients sous formes de nanoparticules sont des matériaux dont la taille est de l’ordre du nanomètre (0,000001 mm). Ils sont utilisés en cosmétique pour la facilité leur application, et notamment dans les crèmes solaires pour éviter l’effet blanc que peuvent provoquer les filtres UV minéraux s’ils ne sont pas intégrés sous cette forme.

Nous savons aujourd’hui que ces nanoparticules peuvent être dangereuses pour la santé si elles s’infiltrent dans le corps humain via les voies respiratoires. Par mesure de précaution, c’est pour cette raison que je n’utilise pas de brumes solaires à filtre minéral : sous forme de lait solaire on peut supposer qu’on ne risque pas de le respirer ^^, par contre avec une brume c’est plus délicat, dans l’idéal il faudrait retenir sa respiration tant qu’il y a des particules dans l’air. 

MIT & MCIT : les remplaçant des parabens allergènes

Permettant de conserver les produits cosmétiques face aux bactéries, le methylisothiazolinone (MIT) et le methylchloroisothiazolinone (MCIT) ont d’abord eu « un beau début de carrière » en remplaçant les fameux parabens tant décriés. Puis, face à l’augmentation du nombre d’allergies et d’intolérances, ils ont été interdits en Europe dans les produits non-rincés car ils sont fortement allergènes et peuvent provoquer des dermatites (inflammations de la peau). La réglementation européenne autorise leur présence dans les produits rincés jusqu’à 0,0015% (la dose a été largement revue à la baisse par rapport à leur début d’utilisation)

Si vous n’avez pas d’allergie ou de peau particulièrement sensible, vous n’avez pas de raison de vous inquiéter des MIT / MCIT 🙂 .

 

On pourrait encore parler des heures des ingrédients accusés puis étudiés, puis re-accusés etc… d’ailleurs, si vous voulez que je fasse une review d’une famille d’ingrédients en particulier n’hésitez pas à m’en parler en commentaire 🙂

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